Jalousie... quand tu nous tiens

Publié le par Fée

Essai d'écriture.

Elle avait les mains qui tremblaient depuis plusieurs heures… Les nerfs sans aucun doute qui la titillaient encore, comme ils le faisaient depuis trop longtemps. Ils se mettaient à se tendre puis à se tordre et alors les battements de son cœur, trop rapides, tambourinaient sans cesse contre son crâne pour lui rappeler son mal-être.

Elle se tenait assise dans son salon, droite comme un piquet, les mains posées devant elle sur le bois massif et lustré de la grande table, elle se massait les doigts espérant que son geste apaiserait les tremblements. Sa fille allait rentrer de l’école d’une minute à l’autre, elle passerait la porte rapidement pour échapper à la pluie qui ne cessait de défigurer le ciel depuis ce matin. Elle en rirait probablement, l’appellerait et viendrait la serrer dans ses bras. C’était un jour particulier pour elle, on n’a pas tous les jours quinze ans ! Quinze ans déjà… Quinze ans qu’elle l’avait mis au monde, quinze ans de plus sur le décompte de sa vie malheureuse. Ses quinze ans à elle lui semblait si loin et si sombres… A l’image de son existence : une accumulation de ténèbres et de tristesses. Elle avait tout fait pour être heureuse, tout, même à donner son cœur à plusieurs hommes, à charmer le monde entier dans l’espoir d’être aimée… Mais tous ses efforts avaient été vains, encore aujourd’hui, la souffrance l’habitait tout entière.

Se concentrant sur ses doigts noués, elle entendit une clé dans la porte. Sourire, ne pas se sentir coupable, paraître heureuse… Oui, elle ne devait pas culpabiliser, ce qu’elle avait fait c’était pour son bien. Elle l’avait prévenu de toute façon « tu ne dois plus les voir » alors quel mal y avait-il à cacher la vérité encore un peu plus ? C’était son bébé, le sien. Sa chair, son sang, son unique raison de vivre ! Elle ne voulait pas la perdre elle aussi, tout comme elle avait perdu toutes les autres personnes chères à son cœur. Les liens se dénouent si facilement, elle l’avait compris, puis elle avait pris le parti de les dissoudre pour aller de l’avant. Sa fille était trop jeune pour comprendre tout cela, pourtant elle lui avait tout dit, tout. Elle avait alors lu dans les yeux de son enfant une terreur indolente et elle en avait été soulagée, oui désormais elle n’était plus seule à porter le fardeau de son passé. Les autres à qui elle avait relaté les faits ne l’avaient pas soutenu. Elle avait aussi lu dans leurs regards toute la peine que ses paroles entraînaient. Sa filleule avait fondu en larmes, elle et sa sœur se tenaient les mains extrêmement fort, comme un appui indispensable. Elles la regardaient toutes d’un air incrédule, sauf la plus jeune d’entre elle, sa filleule… Elle avait un visage détruit de peine et de haine et elle n’avait pu supporter la vue de ses prunelles en feu… Elles étaient parties en coup de vent, et n’étaient jamais revenues… Elles lui avaient tourné le dos, avaient choisi l’autre camp, et bien qu’elles aillent au diable ! Tant pis pour elles, elle aussi pouvait les rayer de sa vie !

Des bras l’enlacèrent et la sortirent de ses pensées. Dieu qu’elle était belle son enfant ! Une déesse aux yeux amandes. Ses cheveux de jais enlaçaient son visage angélique et d’un sourire elle lui embrassa la joue. « Bon anniversaire ma chérie ». Elle l’observa s’éloigner dans la cuisine, heureuse comme on peut l’être à quinze ans, si innocente et si pure. Oh elle se doutait que parfois elle était malheureuse des conséquences de toutes ces histoires, elle savait que ses cousines lui manquaient douloureusement, mais elle s’y ferait. Ce n’était pas sa faute, la victime c’était elle, depuis toujours. Elle devait protéger sa fille pour que le malheur ne soit pas héréditaire, pour l’en préserver. Personne ne lui ôterait ça, personne oh non personne ne s’immiscerait entre sa fille et elle. Elle était à elle ! Elle ne pouvait supporter l’idée d’être supplantée par quelqu’un d’autre dans le cœur de son enfant, on pouvait appeler ça jalousie, elle n’en avait que faire ! Les autres pouvaient bien dire que c’était ça qui la rongeait de l’intérieur, elle, elle savait que c’était surtout cela qui l’épargnait du pire. Se sentir unique aux yeux de quelqu’un, voilà ce qui alimentait ses envies de vivre.

Après que sa fille soit montée à l’étage, elle attendit encore un moment, assise dans le salon, droite comme un piquet, les mains posées devant elle sur le bois massif et lustré de la grande table, froissant avec rage la petite enveloppe jaune qui ne lui était pas destinée… Elle serra très fort dans ses poings la carte d’anniversaire signée des cousines, que sa fille ne lierait jamais…

Fée Gaffette

Publié dans Esquisses de nanas

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S
Un bon début ! la chute est bien. C'est un bon texte.merci.
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C
Wouah, il est très sympa ce texte !! J'aime bien le style d'écriture. Et il y a matière à creuser l'histoire. Tu peux continuer d'écrire la suite ....   :-)
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